Ce document est disponible aux archives du dépôt de la guerre ============================================================= M Catinat, j'ai reçu les deux lettres que vou m'avez écrites le 9 de ce mois, au camp de Faule. Dans l'une vous me parlez du voyage que vous avez fait à Carmagnole et de l'estat ou vous avez trouvée cette place il seroit à souhaister quelle fust en meilleur estat et que ce fust un poste qui pust occuper longtemps les ennemis. Dans l'autre, je vois que leur armée est toujours à Montcarlier, et que les troupes qui viennent d'Allemagne arrivent tous les jours. Le général Caraffa connoissant la petitesse du païs ou il doit aller et le manque de fourrages qu'il y a fait voir sa prévoyance en faisant avancer des grains dans les lieux d'ou il croira les pouvoir tirer s'il en a besoin. Je vois avec peine ce qe vous me mandez du peu de fourrages que vous trouvez ou vous estes dans les lieux circonvoisins; l'inégalité des rivières me donne beaucoup d'inquiètude et j'apréhende quelle ne vous mette en estat de ne pouvoir pas marcher aussi promptement que vous le désireriez dans les lieux ou vous croirez devoir faire macher mon armée. S'ils s'approchent de Pignerol vous connoissez le parti que vous devez prendre pour les empescher de rien faire. Je suis bien aise d'aprendre qu'ils ne pensent point à envoier personne du coste de la val D'Aost pour essayer de pénétrer en Savoye, ce seroit une diversion qui quoyque peu considerable ne laisseroit pas de pouvoir nous embarrasser. J'ai reçu vos deux lettres du 13 de ce mois du camp de Pancarlier, sur lesquelles j'aurois bien des choses à vous dire si n'avois résolu de vous envoier le sieur de Chamlay instruit de mes intentions et de tout ce qui regarde la continuation de la guerre de Piedmont celle de Savoye et en un mot ce qui concerne toute ma frontière. J'ai pris cette résolution ne pouvant vous expliquer assez bien par escrit mes pensées sur tout ce que je croi que vous devez faire et pous sçavoir les vostres encore plus en destail que vous ne pouvez me les expliquer pas escrit quoyque vous le fassiez avec grande netteté et exactitude. Vous pouvez parler avec confiance sur tout au dit sieur de Chamlay vous le trouverez bien instruit et quand vous l'aurez entretenu quelques jours il pourra repasser dans les lieux ou la guerre tant pour accomoder les lieux ou les ennemis pourront venir que pour y faire des pré- paratifs pour que les troupes qui y seront destinées y puissent vivre. Le voyage du dit sieur Chamlay me donnera des connoissances que je n'ay point et il en prendra aussi qui par la suite pourront estre utiles. Cependant essayer de vivre le plus longtemps que vous pourrez ou vous croirez estre le mieux pour le bien de mon service. N'hésiter point à tirer les bleds qui sont dans Saluces, Savillan et Fossan et touts les autres grains tant les miens que ceux des particuliers que vous ferez remettre soit à Carmagnole soit à Pignerol. Je ne vous marque sur cela mes intention que pour gaigner quelques jours d'avance le dit sieur de Champlay estant instruit de mes intentions; il part demain sans faute et arrivera apparament deux ou trois jours après cette lettre que j'envoie par un courrier exprès. Je suis content de la franchyse avec laquelle vous me parlez continuez à en user de même et me dites toujours le véritable estat des choses et ce que vous pensez. Vous me parlez dans une de vos lettres du 13 du peu de fourrages que vous trouvez et de ce que vous apréendez que les ennemis ne s'aprochent de Pignerol pour ravager les environs de cette ville et ruiner les establissements que lon y a faits. Vous vous réglerez sur les mouvements des ennemis et ferez là dessus ce vous croiez le mieux. Vous envoiant le sieur de Champlay qui comme je vous l'ay déjà dit ci-dessus est pleinement instruit de mes intentions qu'il vous expliquera il seroit inutile de vous en dire davantage. Et la présente n'étant pour autre fin, je prie Dieu qu'il vous ait, M. de Catinat en sa sainte garde. Ecrit à Versailles, ce 19 aoüt 1691. Louis.