Analyse des codes de Louis XIV () ()


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Les codes de Louis XIV

Utilisation

Un code (a simple ou double tables) est utilisé pour chiffrer les échanges entre deux personnes : le Roi (ou son représentant) et un personnage de l’état qui est loin du pouvoir central. Par exemple entre Louvois (le ministre de la guerre) qui est présent à Versailles et le maréchal Catinat qui guerroie en Italie. Peut-être un code fut utilisé pour permettre à un groupe de personnes de communiquer, comme des gouverneurs de places militaires comme le laisse supposer la lettre de Louvois à Bonnais (cf. plus loin dans cette page).

La durée de vie d’un code est limitée dans le temps, peut-être un an? Si on inspecte un code authentique, on retrouve l’année de publication et les correspondants inscrits dessus (cf. le code de 1688). On montrera au moins un exemple de code utilisé pendant plus d'un an (cf. le code de 1690).

Évidemment ces mesures existent pour améliorer la sécurité. La compromission d’un code utilisé entre X et Y n’a pas d’impact pour les échanges entre X et V, W et Z. Plus un code est utilisé longtemps, plus les risques de captures sont importants. On limite donc dans le temps son usage.

Structure des codes

Un exemple concret : le code à double table de 1688

Voici la strucure de ce code (cf. le code de 1688))
  • Les lettres : chacune pouvant être codée par plusieurs groupes (a : 22, 136, 205, 361, 436, 488)
  • Les syllabes : ca, ce, ci, co, cu, … da, de, di, do, du, … Certaines syllabes étant codées par plusieurs groupes (ca : 505, 517).
  • Des mots fréquents (adverbes, adjectifs, pronoms, noms communs, ...): celuy, celles, cependant, ces, cet, chemin, …
  • Des mots incomplets (préfixe) : gouvern (560), inform (105). Par exemple le préfixe « inform » peut être le début des mots suivants : informe, informer, informera, information, informations, …
  • Des suffixes : oit (58), tion (70)
  • Des expressions: « J’ai apris que » (66)
  • Des noms propres (personnes, villes, pays, …) : Le Prince d’Orange (73), Le Duc de Berwick (8), les villes de Lymmerick (74), Dublin (620), les pays : l’Ecosse (31), l’Irlande (181), l’Angleterre (152), ...
  • Des groupes nuls (17, 18, 148, 149, … [en tout 19 groupes]). Ces groupes nuls servait principalement de ponctuation et à dissimuler le début et la fin du message. Ils survenaient le plus souvent en plusieurs exemplaires, par l’exemple, le début du message était précédé de 3 (ou plus) groupes nuls.
  • Des groupes pour encadrer des groupes que l’on veut annuler : groupes précédant les groupes à annuler : 53, 155, … groupes qui suivent les groupes à annuler : 20, 40, 140, Personnellement je j’ai jamais vu leur usage.

Un chiffre à simple table de 1684

Voici l'étude d'un chiffre à simple table (cf. le code de 1684)

Il y a évidemment beaucoup de similitude avec le code précédent : On trouve des lettres, des syllabes, des mots fréquents.

Par contre, la principale différence est que les groupes chiffrant ne sont représentés que par un seul exemplaire pour respecter un ordre logique. Par exemple les syllabes da, de, di do, du sont respectivement codés par les groupes 311, 331, 331, 341, 351. On remarque que les codes ne se suivent pas directement mais si le nomenclature est ordonné en colonne (une colonne pour chaque dizaine), les codes précédents apparaissent dans la même colonne. Par contre cette organisation exclus l’utiliser de doublons.

Même les lettres ne sont chacune codées que par un seul groupe : a : 10, b : 12, c : 14, d : 16, e : 18, …

Cette organisation stéréotypée diminue énormément les différences qui peut exister entre deux nomenclatures. Par exemple, le début des lettres dans un autre chiffre peut commence différemment : a : 11, b : 13, … mais en final, c’est une différence faible.

De manière évidente, ce type de code assure une sécurité nettement plus faible que les codes à double tables et même inférieure aux codes précédents (cf. le code de 1676).

Les procédures de sécurité

Extrait du livre « Le masque de Fer » :

Le service du chiffre, il y a deux siècles, était l’objet des précautions les plus minutieuses.

Une lettre de Louvois (adressée à Mr de Bonnais), entre autres preuves, montre l’importance attachée à ce service.

Monsieur, vous recevrez par les soins de M. … un paquet qui enferme un nouveau chiffre, lequel l’intention du Roi est qu’il demeure ainsi cacheté jusqu’à nouvel ordre de Sa Majesté, à moins que la place où vous commandez ne vienne à être attaquée ; en ce cas-là Sa Majesté, désire que toutes les nouvelles que vous aurez à donner soit à Elle, soit aux gouverneurs ou intendants dans vos voisins, contenant l’état et les besoins de la dite place, soit chiffrées du chiffre qui est enfermé dans le dit paquet.

Vous pourrez aussi l’ouvrir au cas que vous reçussiez des lettres d’une place de Sa Majesté, attaquée par les ennemis, qui fussent chiffrés d’un chiffre autre que celui dont on se sert présentement, et lorsque vous aurez ouvert le paquet dont est parlé ci-dessus, vous prendrez la peine de me le mander et des raisons que vous aurez eues pour le faire, et à l’exception des dits cas, vous n’ouvrirez point le dit paquet pour quelque raisons que ce puisse être, et vous vous mettrez en état de me le renvoyer lorsque je vous le manderai à la fin de la campagne, tout de même qu’il vous aura été remis.

Cependant vous m’en accuserez la réception par une lettre que ne parlera que de cela.

Vous observerez encore que vous ne devez jamais porter ce paquet sur vous, et qu’il faudra, quand vous sortiez de la place, que vous le laissiez à celui qui commandera en votre absence, avec cette-ci qui lui apprendra l’usage qu’il en devra faire.

De Louvois.

Remarque : Cette lettre est suivit du 1er code à double table (datant de 1676) qui est donné comme exemple de code.

Références

  • Le masque de Fer, Révélation de la correspondance chiffrée de Louis XIV. Emile Burgaud et commandant Bazeries, 1893, librairie de Fimin-Didot.